TW : Suicide, Hôpital
Je viens m'assoir sur ce banc en béton, où j'allais plusieurs fois par jour à mon arrivée ici. Elle ne tourne plus en rond depuis longtemps, elle n'est plus là. Il n'y a plus grand monde qui était déjà là à mon arrivée. D'autres douleurs sont venues remplacées celles que d'autres ont appris à maîtriser, ou à faire taire, ici.
Je connais presque toustes leurs noms et une partie de leur histoire. Deux d'entre elles sont devenues des amies à jamais. Des amies qu'on se fait quand on est au plus mal, réuni par le fait le plus étranger du monde. On a voulu mourir, à quelques jours d'intervalle, et maintenant nos vies sont liées à jamais dans ce refus de la mort. Dans l'appel à l'aide.
On a fait le choix le plus courageux d'Albert Camus, et on sera à jamais là pour se le rappeler les unes les autres. Parce qu'on a réussi, on a gagné, on est vivantes. On a survécu à la mort elle même, vers qui ont courrait les bras ouvert.
Mon arrivée, c'était il y a 19 jours. Et aujourd'hui on m'annonce ma sortie dans 2 jours. Je serai restée 3 semaines ici.
Je repars différentes mais je suis toujours cette personne, apeurée par les autres, assise sur ce banc en pierre en face de ma fenêtre de chambre.
Ma normalité n'est plus ici, elle oscille entre l'hôpital et mon chez moi. Ce chez moi que je dois me réapproprier parce que c'est le chez moi où j'ai failli me tuer. Il va devenir l'endroit où j'ai repris vie, en oubliant jamais qu'elle aurait pu s'arrêter ce 24 mars.
Cette cour froide et aseptisée a dû sens maintenant. Le sens d'être hors du temps. C'est chez moi et ça le sera à jamais. Je laisse une version de moi ici pour repartir avec tout ce que j'ai appris sur moi et sur Résilience.
Je suis arrivée en criant à l'aide. J'ai appris à m'écouter le dire. Et je vais profiter de ces derniers instants. Hors du temps, hors de tout, avec moi, et lui. On se revoit dans quelques jours, petits signes formant des mots. Je ne sais toujours pas d'où vous sortez, mais je suis heureuses que vous soyez là.