28 Août 2013. Je pose pour la première fois le pied à Strasbourg. En visite pour quelques jours. Mon cœur ne repartira jamais.
28 Août 2014, je pose mon sac dans ma chambre du CROUS, je m’installe ici.
Convaincu, fier, droit et les yeux vers l’avenir. Je me suis glissé dans les rues, j’ai levé les yeux aux toits des bâtiments. Immensité à perte de vue, pierre de grès ou de béton, Espoir et certitude m’ont guidés à Strasbourg. J’ai 17 ans, je vais devenir docteur en histoire des religions. Enorgueilli des pierres du Palais Universitaire, par la joie d’avoir réussi à venir dans cette ville.
Marcher, dans les rues de l’histoire et de l’avenir, je suis venu tracer mon chemin en portant le destin que j’ai choisi. Emerveillé par le champ des possible d’ici. Chaque instant en bibliothèque, dans un parc, dans un bar ou au local militant, ma vie a pris un sens, j'ai l'impression d'être à ma place.
Je ne pouvais même pas encore imaginer à quel point j'étais à des lieux de savoir qui je suis.
Alors que je découvre cette ville peu à peu, apprenant ses recoins, j’apprends les miens. Il ne m’aura fallu que quelques mois ici pour comprendre que les premiers mots de mon texte sont mal accordés. Pour la plus grande joie au monde mais aussi la peur et l’appréhension. Au cœur de la Meinau, en pleur, je commençais à comprendre que j’étais différente.
Mon monde entièrement renversé. Le combat, de me faire comprendre. Les batailles contre les médecins. Mais surtout, une nouvelle carte d’identité. Pour la première fois ma carte contient 67000, pour la première fois, elle montre un prénom qui est le mien. Plus tard, après avoir du subir les colonnes du grand tribunal pour prouver qui je suis, une nouvelle mention, le F, libérateur. J’ai changé, j’ai grandi, je suis heureuse.
De chutes en chutes, des difficultés aux pleurs. Depuis toutes ces années, je n’ai jamais arrêté de travailler. Pour les autres, pour moi, parce que le capitalisme l’oblige bien, il faut gagner sa vie. Alors j’ai été aspirée. Par la vie, son chemin tout tracé, sa normativité…. Trou noir. Je me réveille des années plus tard sur un chemin qu’on a tracé à ma place. Frappée par le virus, comme beaucoup, mais surtout perdue.
Parce que tout ceci n’a aucun sens, aucun but, aucune logique. Tout changer, tout arrêter, recommencer. Mais, au même endroit. Comme un aimant, je ne peux pas m’en détacher. Chaque fois que je pars, toujours plus, je me rappelle que Strasbourg c’est chez moi.
Je pousse les portes de cette chorale, motivée mais sans imaginer un instant le raz-de-marée. En quelques mois, ma vie a changé. Je suis née. J’apprends de nouveau, en marchant sur les mêmes pavés des rues que j’arpentais il y a des années. Un monde s’ouvre encore à moi, un monde où je peux, être moi. On chante, on parle, on partage, on représente, on comprends, on créé…
Créer. Emportée par ce mot, je rencontre de nouvelles personnes qui tu héberges bien à l’abri, Strasbourg. Des révolutionnaires, du monde et de ma vie. Quelques personnes, qui restent, quoi qu’il arrive. Des personnes qui portent, accompagnent, guident… Deux personnes, qui me sauvent de moi même.
Après avoir appris autant, je pensais t’avoir compris Strasbourg. Mais tu m’as fait découvrir ton drag, ton art, et de nouvelles formes de militantisme. J’ai encore grandi, accompli et compris. Heureuxe dans une nouvelle forme, avec une famille, des amix, des personnes qui comptent, mais surtout avec l’envie qu’un avenir existe. Une nouvelle manière d’être moi, je comprends peu à peu que je sais faire autre chose qu’organiser, je peux m’exprimer. Je peux chanter et mettre en scène ma différence en espérant qu’elle résonne dans les yeux de celleux qui me voit.
Je ne pourrai jamais résumer cette ville. Elle me connait mieux que je ne la connais. J’aimerais parler de milliers d’anecdotes, de choses dont je suis fièr.e, de choses qui m’énervent, d’envie pour l’avenir et de fascination millénaire.
Mais rien, rien de tout ça n’existerait sans les personnes que j’ai pu rencontrer ici. Quand je dis que Strasbourg c’est ma maison, je ne parle pas des pierres et des rues. Certes Strasbourg n’est rien sans ses pierres, mais elle est encore moins sans vous.
J’ai encore milles choses dont j’ai envie de vous parler sur ma vie dans cette ville… J’y arrive insouciant, j’y grandi heureuse, j’y reste prêt.e pour ce que tu me réserves Strasbourg.
28 Août 2024. Je pose mon amour pour cette ville dans ces lignes.