TW : Hôpital psy, mention de suicide, mention de drogue.
Elle tourne en rond, tout le temps. Je la vois marcher à petits pas, comme si c’était la dernière chose qui la tenait en vie. Je connais ni son nom ni ce qu’elle fait la. Comme tous les autres en fait.
Le service est un grand couloir qui tourne autour d’une cour. Elle est à peu près aussi grande que mon appart. Que du béton. Pleins de fenêtres de chambres qui ne s’ouvrent pas, une table de ping pong que personne n’utilise, des tables et des bancs. En béton. Un joint pas terminé posé sur le banc à côté de moi.
Elle repasse, elle marche encore dans le couloir autour de la cour.
J’ai enlevé mon casque antibruit. La première fois depuis que je suis arrivée et que je suis pas dans ma chambre. Je suis seule dans la cour, j’en profites pour respirer un peu l’air frais et écouter les oiseaux.
Je n’aurai eu que 2 minutes de repos. Un mec vient finir le joint, ça pue. Quelques personnes sortent dans la cour en béton et parlent. Elles parlent fort. Je remets mon casque.
Elle repasse.
J’attends de voir une psychiatre. On m’a dit qu’aujourd’hui j’en verrai une. Je suis là depuis jeudi soir. On est samedi matin. J’ai eu la super idée de demander à être hospitalisée un week-end de 4 jours, du coup y’a pas beaucoup de médecin.
Je crois que je commence à apprécier être ici, quand je suis seule. Peut être que je comprends comment ça va m’aider.
Elle repasse.
Ma chambre est rangée et niquel, le lit est fait, les affaires rangées au carré. Ça ferait rire ma colloc je pense, à l’appart ma chambre c’est toujours un bordel. Mais en même temps, j’ai l’impression que c’est pas moi qui vit dans cette chambre numéro 1. Que c’est une version de moi que je veux leur montrer pour qu’ils comprennent que j’ai pas envie de me tuer. Pour qu’ils me rendent mon chargeur de téléphone.
En même temps, j’ai pas envie de me tuer.
Quand je suis dans la cour je m’assoit juste en face de ma chambre, comme si j’avais besoin de ce safe space pas trop loin. C’est con parce que la fenêtre s’ouvre pas, je peux pas y rentrer sans faire tout le tour du service.
Elle repasse.
J’ai envie de retourner dans ma chambre, changer d’endroit, faire quelque chose. Mais quoi ? Y’a rien à part l’ennui ici. Y’a rien à part d’autres personnes qui vont aussi voire plus mal que moi. J’essaie de lire mais j’y arrive pas, j’essaie de jouer mais je m’ennuie, j’essaie d’écrire.
Elle, elle repasse.
Je tourne en rond, comme elle, mais moi je bouge pas.